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Alors jeune stagiaire en œnologie, je n’avais jamais vu quelqu’un goûter les raisins de cette façon ! Nadine Gublin était alors vinificatrice pour le domaine Jacques Prieur et la Maison Antonin Rodet. Les deux produisaient des vins allant de la Côte de Nuits à la Côte de Beaune, jusqu’à la Côte chalonnaise et le Mâconnais.
Nadine goûtait absolument tout : appellations, terroirs, tous les climats. Avec cette approche de la Bourgogne, une simple baie de raisin devenait soudain pour moi quelque chose potentiellement capable de donner un vin de lieu ou une cuvée parcellaire.
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Au domaine de l’Arlot, près de Nuits Saint-Georges, Jean-Pierre de Smet m’a fait confiance alors que j’étais encore inexpérimenté, c’était seulement ma deuxième vendange ! Il m’a confié la vinification des blancs de A à Z!
Afin d’établir le protocole d’extraction de la journée et alors qu’habituellement il le faisait seul, Jean-Pierre a partagé chaque matin avec moi toutes les dégustations d’échantillons des cuves de pinot noir. Logé sur place, j’avais aussi ma place à table avec la famille, les copains et les sommeliers qui dînaient chaque soir. Quelqu’un était alors désigné pour remonter de la cave une bouteille et la faire déguster à l’aveugle. La première question était toujours la même : « Nouveau Monde ou Ancien Monde » ?
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Jean-Pierre de Smet et Daniel Cathiard étaient amis. Je ne serai jamais venu à Château Smith Haut-Lafitte si Jean-Pierre ne m’avait pas recommandé à Daniel. J’ai travaillé avec beaucoup d’enthousiasme et d’implication en vivant une expérience unique avec cette opportunité de participer avec Michel Rolland à l’assemblage du précieux millésime 2000 ! Avec eux, je suis entré de plein pied dans la culture bordelaise de l’assemblage, unique au monde. J’ai compris que sans l’assemblage, Bordeaux ne serait pas Bordeaux, qu’il est constitutif de son histoire et de son identité. J’ai appris à composer un vin avec des règles. Si elles ont été parfaitement respectées en amont de la vigne et de la vinification elles, donneront tout leur sens à ce qui se joue dans l’assemblage.
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J’ai rencontré Stéphane à Smith Haut-Lafitte. Il en était l’un des consultants, avec ce côté rebelle et affranchi dans un style « ni dieu, ni maître » qui tranchait tellement à Bordeaux ! Lorsqu’il m’a proposé de le rejoindre pour un temps, je n’ai pas hésité une seconde. Stéphane m’impressionnait autant par sa légitimité partout que par son intelligence innée de la vigne et du vin et son rythme de vie à 100 à l’heure ! Pour moi, il a été ce grand frère à qui je dois cet amour du conseil qui ne m’a jamais quitté.
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Michel m’a recruté pour prendre la responsabilité du domaine Ferraton Père & fils. En me confiant cette tâche, il m’a permis de faire mes premières armes seul aux commandes de ce vignoble. C’est là que j’ai imaginé pour la première fois la réorganisation de tout un parcellaire. Jusqu’en 2010, j’ai assuré la fonction de directeur général de Ferraton Père & Fils. Ces années m’ont laissé le temps de mettre en place une stratégie de développement et de revalorisation de son image.
Michel m’a demandé aussi de superviser la production en Australie et de gérer les achats de raisins pour les Côtes du Rhône Nord. Pour cette partie négoce haut de gamme, j’ai imaginé aussi ma première gamme de vins de lieux-dits.
En octobre 2004, après mes premières vendanges et lors d’un déplacement en voiture, il m’a proposé de reprendre la direction technique de la Maison Chapoutier, sur l’ensemble des vignobles français et étrangers. Je venais d’avoir 29 ans ! Avec Michel Chapoutier, j’ai compris des choses essentielles : la noblesse d’un certain négoce à l’image des grandes Maisons de vins ; le métier ultra précis de vinificateur-éleveur ; l’audace de toujours trouver une solution et de foncer ; la culture biodynamique comme marqueurs d’identité et d’écologie. Ces fondamentaux m’ont toujours accompagné depuis.
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Depuis plus de 15 ans, j’accompagne ce domaine familial avec une équipe fidèle depuis le début.
Dans cette région confrontée de manière brutale au réchauffement climatique, nous avons mené ensemble la conversion du vignoble en culture biologique. Grâce à un travail d’adaptation aussi minutieux que pointu, nous avons mis en place des premiers semis afin de favoriser la restructuration des sols. Rendus ainsi moins séchants l’été, ils ont augmenté considérablement leur capacité à retenir l’eau et réduit ainsi les effets de stress hydrique sur la vigne.
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Antoine Leccia, à la tête d’Advini, a tout déclenché avec Laroche, entité indépendante intégrée au sein d’Advini. Tout en étant un domaine de haute exigence qualitative, ce dernier avait besoin d’une vision nouvelle. Antoine m’a proposé d’être « l’homme du vin » chez Laroche. Avec lui, j’ai appris, dans une parfaite autonomie, à avoir une ligne directrice claire et structurée. J’ai compris qu’avoir des données chiffrées peut aider beaucoup dans la réussite d’un projet. Ma fonction exercée à 360° m’a permis aussi de travailler en direction des prescripteurs, de la presse à la sommellerie et à la restauration. Ce travail en aval de la production a été d’une incroyable richesse pour comprendre comment se construit la notoriété d’un vin et comment mieux le vendre, pour quelles attentes de consommation et de positionnement.
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Avec Delphine, nous créons de toutes pièces notre Maison dédiée à Irancy, en nous inspirant de celles qui perpétuent le prestige des vins de Bourgogne, mais de manière beaucoup plus intimiste ! Maison de la Chapelle est désormais notre lieu de vie et de partage. « Fait à la maison », cette expression simple a vraiment du sens pour nous. Terrain de travail et de réflexion, Maison de la Chapelle est aussi un laboratoire où l’apprentissage de la connaissance est toujours en mouvement.
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Nouvelle génération, Pierre Demets et sa femme Mathilde, en reprenant le domaine familial, ont une envie de changement radical. Ensemble, nous avons construit un itinéraire agro-écologique permettant une rupture complète avec la pratique conventionnelle ; nous avons abordé les vins en partant de l’idée de lieu en élaborant des vins de base aux intrants œnologiques réduits à minima. En 2022 au salon Wine Paris, Pierre et Mathilde ont présenté une nouvelle gamme de champagnes, impressionnante de pureté et d’énergie. La cuvée nommée si justement « Intransigeance » traduit l’engagement et les convictions de Pierre. L’approche parcellaire s’exprimant elle dans deux cuvées lieux-dits « Les Fins » et « Forêt ».
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Tout est parti de ce projet un peu fou de cette famille voulant à tout prix sauver d’une faillite et d’un abandon certains un vignoble planté dans les années 1970. Fortes de ses convictions inébranlables dans la culture biologique, Julia Joyandet mène ce vignoble singulier par son terroir unique. En moins de 4 ans, les vins qu’elle signe portent incontestablement sa patte. Ils ont trouvé très vite leur place en France et à l’étranger, dans les meilleurs restaurants et chez les meilleurs cavistes.